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[10 mai] Intervention de la LDH et du MRAP
lundi 18 mai 2015
Lors de la commémoration officielle de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, la LDH et le MRAP ont fait une intervention commune devant le monument nazairien à l’esclavage :
Nous sommes donc réunis aujourd’hui en mémoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.
Arrachés à leurs familles, à leurs villages, à leurs sociétés, les esclaves ont été enchaînés, transportés dans d’abominables conditions, vendus aux Amériques.
Le Noir n’était plus un homme mais une possession de son propriétaire
Dès le XVIᵉ siècle furent élaborées les premières théories racistes, consolidées au XVIIème siècle pour justifier l’asservissement et les pratiques de terreur appliquées aux esclaves. Un continent tout entier fut maintenu dans le servage et le sous-développement.
Sombre histoire, mais c’est aussi notre histoire !
Nous sommes devant ce fleuve où sont passés tant de bateaux négriers remontant à Nantes conduits par les pilotes et les lamaneurs nazairiens.
Car dans ce sombre trafic, les armateurs nantais ont tenu une place éminente. Nantes fut le premier port négrier français, loin devant Le Havre. Entre 1713 et 1838, 1794 expéditions négrières furent armées à Nantes. Cela a représenté presque la moitié des expéditions françaises. Au XVIIIème ces navires ont transporté environ 450 000 noirs des côtes d’Afrique aux Amériques sur les 6 millions de Noirs acheminés par la traite européenne sur cette période. Saint-Domingue devint une chasse gardée des négriers nantais.
Pour les armateurs nantais , le commerce en “droiture”, Europe-Amériques et le commerce “triangulaire”, Europe-Afrique-Amériques se complétaient. Sur les côtes africaines, les esclaves étaient échangés contre des textiles, des outils, des métaux, des ustensiles divers, des armes du vin, de l’alcool, des coquillages et des barres de fer servant de monnaie parfois à l’issue d’âpres négociations. Les esclaves revendus aux Amériques permettaient de ramener des richesses produites par ces mêmes esclaves comme le tabac, l’indigo, le coton, le sucre.
Après l’interdiction de la traite en 1815, les armateurs nantais auraient encore armé 305 navires négriers, soit trois fois plus que Le Havre et Bordeaux réunis…
Bien sûr les pratiques inhumaines ne restèrent pas sans réactions.
La montée du mouvement « philanthropique » au siècle des Lumières suscita un puissant courant « humanitariste » et abolitionniste.
Les Britanniques interdirent la traite en 1807, puis l’ensemble des puissances européennes fit de même en 1815 au Congrès de Vienne. L’esclavage ne fut définitivement aboli qu’en 1835 pour la Grande-Bretagne.
Sous la pression de la révolte des esclaves de Saint-Domingue, les commissaires de la République française puis la Convention aboliront « l’esclavage des nègres dans toutes les colonies » françaises. Bonaparte le rétablit en 1802. Le 27 avril 1848, le gouvernement de la République décrète l’abolition de l’esclavage sous l’impulsion de Victor Schoelcher. Mais ce n’était évidemment pas la fin de l’Histoire : le partage et la colonisation de l’Afrique par les puissances impérialistes allaient suivre.
Et aujourd’hui l’histoire bégaie.
Ce n’est plus à travers l’Atlantique que des hommes, des femmes, des enfants sont entraînés dans des traversées inhumaines et meurtrières mais à travers la Méditerranée. Tous les moyens nécessaires doivent être mis en œuvre pour éviter ces drames.
Les passeurs d’aujourd’hui ne sont pas moins inhumains que les négriers d’hier. Mais l’Europe, plus préoccupée par le rejet et la peur des populations venant du Sud que par leur accueil, porte une très lourde responsabilité.
Hier par la traite et l’esclavage, nos pays alimentaient en main d’œuvre les industries sucrières coloniales. Aujourd’hui, pour garantir nos approvisionnements en matières premières de toutes sortes, ils provoquent directement ou indirectement misères et guerres. Jetés sur des routes de l’exil de plus en plus dangereuses, les migrants sont les premières victimes de ces désordres.
Mais tout comme Nantes a su depuis un quart de siècle assumer son passé de port négrier, sachons aujourd’hui reconnaître les responsabilités de notre pays dans les drames de la Méditerranée. Cet effort est essentiel car c’est bien sur la reconnaissance commune de ces douleurs que nous pouvons construire un vivre-ensemble de liberté, d’égalité, de solidarité entre tous les hommes, respectueux de chacun et de ses différences.