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Pont Transcouleur n° 88 février 2012 (édito)

lundi 6 février 2012

le Pont Transcouleur n° 88

Monsieur Sarkozy entend des voix : celles de l’extrême-droite.

A Domrémy, le Président de la République, candidat à sa succession, s’est fait bon apôtre pour louer Jeanne d’Arc, héroïne du roman national depuis que l’historien républicain Jules Michelet l’a ressuscitée ainsi au milieu du XIXème siècle. Disputée depuis longtemps, instrumentalisée au gré des enjeux politiques entre républicains, monarchistes, cléricaux, anticléricaux, catholiques, laïcs, elle a été annexée depuis les années 80 par le Front National qui en a fait l’icône de son idéologie xénophobe et raciste, révélant parfaitement derrière son slogan "La France et les Français d’abord" sa politique nationaliste de discrimination et d’exclusion.

L’important, aujourd’hui, n’est pas de savoir si Jeanne d’Arc a ou non existé, mais bien de s’interroger sur ce que signifie son instrumentalisation par N. Sarkozy, dans la foulée de l’extrême-droite et de la droite extrême.

Au-delà de l’enjeu politicien de savoir qui, de Mme Le Pen ou de M. Sarkozy, "piquera" les voix de l’extrême-droite, il faut souligner la continuité de l’action de ce dernier contre la laïcité qui fonde pour une bonne part les conditions du vivre ensemble ici.

Il faut aussi souligner la cohérence existant entre cette célébration-appropriation de Jeanne d’Arc pour en faire un emblème de la Nation et une politique d’identité nationale excluant tous ceux qui ne seraient pas d’ici.

Quelle est la réalité de cette politique ?

Cette politique, c’est M. Guéant fier d’annoncer qu’avec 32922 expulsions en 2011, les records ont été battus, largement au-delà même des objectifs que le Ministre de l’Intérieur avait fixé à ses services de police. Peu importe d’ailleurs ce que recouvrent ces chiffres, peu importe les drames que vivent les familles expulsées ou séparées, les malades, les demandeurs d’asile qui risquent leur vie dans leur pays d’origine... seuls comptent les chiffres comme autant de signaux xénophobes envoyés aux électeurs déboussolés par l’ampleur de la crise sociale que nous vivons.

C’est aussi la chasse aux Roms dont on détruit les campements sans souci de leurs conditions de vie, qu’on boute hors du territoire national comme autant d’indésirables !

C’est encore le durcissement continu des lois et règlements sur l’immigration dans la droite ligne de la recherche d’une mythique "immigration zéro" avec les absurdités qu’ont révélées récemment les entraves au travail dont ont été victimes les étudiants étrangers.

Ce sont les personnes seules ou en famille, enfermées dans les centres de rétention et expulsées contre toute notion même d’humanité et en violation des droits humains !

La solidarité citoyenne, qui, heureusement, se manifeste souvent, ne suffit pas pour enrayer les effets désastreux de cette politique.

Ne nous y trompons pas : il faut exiger l’abrogation des lois répressives contre l’immigration ; il faut promouvoir des lois qui permettront de mettre en œuvre l’exigence et la réalité de l’égalité des droits pour tous, la régularisation de tous les sans-papiers, le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers, le droit effectif au regroupement familial, le respect du droit d’asile, le rétablissement d’un véritable droit du sol pour l’acquisition de la nationalité française...

C’est ainsi que nous pourrons réaliser un vivre ensemble ici dans la liberté, l’égalité et la fraternité... avec ou sans Jeanne d’Arc.

Augustin Grosdoy