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Contre l’ignorance et la panique morale

dimanche 24 septembre 2023

Un beau texte de Jacques Trémintin rendant compte du déroulement et des débats du colloque du 23 septembre 2023 à Saint-Brevin

Contre l’ignorance et la panique morale

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« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde », affirmait le dramaturge Bertold Brecht en 1941. Plus de quatre-vingts ans après, cette formule n’a pas perdu de sa vérité. La défense ou la persécution de l’étranger avait traversé le XXème siècle comme la pierre angulaire opposant les postures identitaires et les convictions universalistes. Ce début de troisième millénaire n’a fait que prolonger l’antagonisme, en laissant resurgir la bête immonde.

Et c’est la station balnéaire de Saint Brévin qui focalise aujourd’hui cet affrontement. Son passé d’accueil des réfugiés espagnols, des travailleurs détachés ou plus récemment des réfugiés ukrainiens en avait pourtant fait un havre de paix pour migrants. C’est l’implantation, en 2016, d’un centre pour demandeurs d’asile (qui changea plusieurs fois de nom, tout en accueillant le même public) qui fit alors réagir l’extrême droite.

Le projet de déménagement de ce centre en un autre lieu de la commune déclencha des manifestations haineuses, provoquant en réaction la mobilisation de nombreux citoyens regroupés autour du « collectif brévinois attentif et solidaire » (CBAS) et le positionnement sans équivoque de la municipalité locale. Un large mouvement de solidarité s’ensuivit tant au niveau local que national défendant les valeurs d’hospitalité et d’humanité. C’est de cet élan qu’est né le projet de colloque « Accueillir les exilé(e)s. Pourquoi ? Comment ? »

Le colloque à la salle de l’Etoile de Jade de Saint Brévin

C’est sans doute l’une des premières fois que des militants associatifs, bien plus habitués à soutenir des migrants dont les campements sauvages sont régulièrement ravagés par les bataillons de gendarmes mobiles, participent à un colloque sous la protection de ces mêmes forces de l’ordre.

C’est sûrement tout aussi rare de voir les mêmes associations qui se sont élevées contre l’usage des drones par le ministère de l’Intérieur pour survoler les manifestations, bénéficier du survol de deux d’entre eux pour prévenir toute tentative d’agression de la part de l’extrême droite.

C’est à coup sûr traditionnel qu’une journée d’étude soit inaugurée par la maire de la commune où elle se tient. Le message de Dorothée Pacaud* (* = voir encadré à la fin qui précise les fonctions des intervenants) s’adressa bien au-delà des participant(e)s à la journée : « je tiens à dire aux personnes accueillies dans notre commune, d’où qu’elles viennent que le mot fraternité apposé au fronton, de notre mairie n’est pas un vain mot  »… Mais que cette courageuse première magistrate soit protégée par des gardes du corps veillant à sa sécurité physique, en réponse à l’attentat perpétré quelques mois plus tôt au domicile de son prédécesseur, est plutôt inhabituel.

Les personnels de sécurité filtrent les entrées

Drôle d’ambiance donc, en ce samedi 23 septembre. Pourtant, l’apaisement et la sérénité de cette journée qu’avait souhaités d’emblée par Philippe Croze* furent au rendez-vous. La quiétude du débat qui allait suivre contrastera avec l’ambiance de « camp retranché » qui lui fut imposé. Au final, la préfecture aura parfaitement accompli sa mission de sécurisation : beaucoup aimerait qu’elle déploie autant de bienveillance envers les étrangers. Mais cela c’est une autre histoire longuement évoquée par la suite de la journée d’étude.

Si 150 inscriptions avaient dû être refusées, les 450 participants privilégiés présents se répartissaient entre des militants et des bénévoles associatifs bien sûr, mais aussi de simples citoyens soucieux de venir s’informer. Le programme qui leur fut servi fut copieux et de qualité : juristes, élus, chercheurs, universitaires … autant d’experts spécialistes de la migration venus là pour déconstruire les idées reçues et apporter des faits et des chiffres, des données comparatives et des analyses quantitatives, de la réflexion et de la compréhension. Cette démarche qui ne trouve pas plus de crédit auprès de l’opinion publique que des décideurs politiques. L’occasion pour les participants d’en apprendre beaucoup.

La salle du colloque

Panique morale

La France a toujours été un pays d’immigration : pour alimenter son industrie ou pour se reconstruire après les deux guerres mondiales. Le cancer xénophobe se répandit en parallèle. Louis Imber* en fit une chronologie édifiante. L’obsession de l’invasion migratoire n’est donc pas nouvelle. On l’identifie dès la fin du 19ème siècle. Tout comme on retrouve le fantasme du remplacement (qui n’est pas encore désigné par l’attribut contemporain de « grand ») entre les deux guerres mondiales, au gré des vagues de réfugiés (juifs fuyant l’Allemagne nazie, républicains espagnols …). C’est à la fin des années 1960, alors que l’empire colonial français

s’est effondré et que la crise économique s’amorce, que commence à fleurir un vocabulaire devenu aujourd’hui (trop) familier dans la rhétorique politique et médiatique : « immigration sauvage », « seuil de tolérance », « trop plein migratoire », « appel d’air » etc...

Y a-t-il effectivement une invasion migratoire, continuera Louis Imbert, ou ne s’agit-il pas plutôt là de la construction d’un imaginaire qui s’est largement répandu et imposé ?

Catherine Wihtol de de Wenden* précise bien pourtant combien les migrations sont avant tout et massivement circonscrites à l’intérieur d’espaces régionalisés. C’est à 80 % en Afrique que l’on migre quand on est africain. Et c’est vrai aussi pour l’Asie, la Russie, l’Amérique du Nord ou du Sud. Les flux transcontinentaux sont bien moins fournis. Mais, les transferts de population se déploient avec fluidité dans le monde dans le sens nord-nord, nord-sud et sud- sud. Seule la direction sud-nord pose question, sans que les autorités n’en cherchent les causes, se contentant d’en freiner les effets.

Vincent Rebérioux (Ligue des droits de l’homme) animant la table ronde avec Catherine Wihtol de Wenden (CNRS) et François Héran (démographe)

François Héran a contribué à y répondre, s’appuyant pour le faire sur le nombre de plus en plus important d’études réalisées ces dernières années sur le phénomène migratoire. Pour exemple, il évoquera la statistique qui évalue le cumul des trois générations (grands-

parents/parents/enfants) de migrants en France à une proportion de 31 % de sa population. Mais, seuls 5% des petits-enfants ainsi identifiés ont quatre grands-parents immigrés. Ce qui montre que, loin de rester dans l’entre-soi, les migrants sont pris dans la lessiveuse d’un brassage de pratiques culturelles, religieuses, matrimoniales, familiales et de fertilité les métissant au reste de la population. D’où le concept à géométrie variable de cette identité nationale qui serait constamment menacée par la présence envahissante des étrangers. Le constat est pourtant limpide depuis deux siècles les vagues successives de migrants ont été absorbées et se sont agglomérées, les unes après les autres, laissant à chaque fois ouverte la question des capacités d’intégration des suivantes.

La peur de l’étranger

Pour Louis Imbert, bien des acteurs intervenant sur la scène des migrations retirent beaucoup de bénéfices de l’angoisse qui y règne, leur donnant ainsi toutes les raisons de l’entretenir.

Les responsables politiques, tout d’abord, qui la transforment en rente électoraliste : la surenchère permanente de toujours plus de fermeté et d’intransigeance face au soi-disant envahisseur favorise non seulement le vote populiste sur leur nom, mais permet aussi de présenter une explication pratique à tous les maux. Ainsi l’insécurité, le chômage, la pénurie d’emploi, les salaires bas … trouvent-ils des boucs émissaires tout trouvés.

Les entreprises industrielles et de service profitent, elles aussi, de ce climat d’anxiété, qui alimente un marché de plusieurs milliards d’euros de technologies de surveillance, d’identification, de repérage etc… des populations indésirables.

C’est encore le cas des agences administratives qui y trouvent tout autant l’opportunité d’amplifier leur poids. A l’image de FRONTEX, ce dispositif communautaire chargé d’évaluer des risques pour la sécurité aux frontières de l’Union européenne. Depuis sa création en 2004, son budget n’a cessé d’augmenter passant de 6 à 845 millions d’euros en 2023, soit une multiplication par 140 en 19 ans. Ce, malgré les atteintes aux droits humains qui entachent régulièrement son action.

Et puis, il y a ces médias qui construisent leur prospérité sur la xénophobie. Agiter l’opinion publique, accroître son sentiment d’insécurité et diffuser des informations alarmantes sont source d’audience et donc d’entrées financières.

Pour les uns comme pour les autres, tout est bon pour dénoncer une présence surnuméraire d’étrangers : rendre leurs différences avec les nationaux irréductibles et insondables, généraliser à partir d’un fait isolé, prétendre au spectacle de la rue (ce qui s’y passe étant forcément représentatif), mettre en spectacle toute arrivée de migrants, affirmer sans démontrer, dramatiser, instiller le doute sur les chiffres officiels, sous-entendre que la vérité est cachée etc …

Cette vision délibérément biaisée n’a pas pour seules conséquences de leurrer l’opinion publique. Elle transforme la vie des migrants en enfer, les confrontant à des effets humainement catastrophiques.

La chasse aux étrangers

Depuis bientôt cinquante ans, la législation du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) n’a cessé de se durcir. Vanina Rochicciolli* et Sophie Dru* ont amplement détaillé cette dégradation continue.

La marche pour l’égalité menée en 1983 avait certes permis d’obtenir la carte de résident de dix ans. Mais les cadences législatives n’ont cessé depuis. C’est, en effet, près de vingt-neuf lois qui se sont égrenées par la suite pour réformer le dispositif règlementaire à l’égard des étrangers. Les textes n’eurent guère le temps de sécher ni leurs décrets d’application d’être publiés avant que le législateur ne soit invité à passer à un nouveau projet.

Progressivement, les ministères de la Santé ou des Affaires sociales, de la Justice ou des Affaires étrangères ont été supplantés par un seul et même acteur : le ministère de l’Intérieur. Les pratiques préfectorales ne firent que s’enfoncer dans toujours plus d’illégalité, d’arbitraire et de toute-puissance.

Les délais de traitement d’une demande administrative s’allongèrent, atteignant 18 mois, deux ans, voire trois années avant d’obtenir une première réponse. Les délais pour voir aboutir un renouvellement de titre de séjour, plongèrent des étrangers en situation pourtant régulière, dans la marginalisation, la paupérisation, la précarisation. La situation s’aggrava encore avec la réduction de 13 % des moyens humains des préfectures et la dématérialisation des démarches administratives.

Marie-Elisabeth Allaire (MRAP) animant la table ronde avec Vanina Rochicciolli (GISTI) et Sophie Dru (CIMADE)

Les critères d’attribution de plein droit furent remplacés par des procédures exceptionnelles laissées à la libre appréciation de l’administration. La « menace à l’ordre public » devint le moyen exponentiel pour rejeter une demande et prendre une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). La moindre infraction fut utilisée pour le justifier : l’étranger avait uriné contre un mur, traversé en dehors des passages cloutés, avoir été mis en garde à vue suite à une accusation dont il avait été pourtant vite lavé…

Les situations individuelles qui protégeaient jusque-là de toute expulsion ont commencé à ne plus être prises en compte : être conjoint d’un français, parent d’un enfant né en France, en situation de maladie… La seule chose qui s’est mise à compter, ce fut de faire du chiffre et de pouvoir arborer le nombre annuel d’annulations de cartes de séjour, d’OQTF. D’un territoire à un autre, d’une administration à une autre, d’un moment à un autre, l’égalité républicaine de traitement garantie par la Constitution fut bafouée en permanence.

De nouveaux centres de rétention administrative (où sont enfermés les étrangers ayant enfreint la législation sur le séjour en France) furent programmés. Les ressortissants de pays reconnus à risque (Afghanistan, Syrie, … ) y furent régulièrement reclus. Les mineurs qui y étaient retenus valurent à la France onze condamnations de la Cour européenne des droits humains. Mais il fallait toujours plus de fermeté, de répression, pour rassurer l’opinion

publique. Tel est le crédo des élus qui nous gouvernent depuis cinquante ans et qui préside encore aujourd’hui au traitement des migrants.

Une attention particulière a été portée au cours de la journée concernant Mayotte, véritable laboratoire de ce que l’on peut faire de pire en matière de droit des étrangers et qui pourrait préfigurer ce qui pourrait être étendu à l’hexagone : expulsions sans audience judiciaire, recours non suspensifs, mineurs reconduits à la frontière …

Pourquoi un tel acharnement ?

Piégées face à leur opinion publique par leurs propres mensonges et/ou leur ignorance inculte, les autorités politiques de notre pays (imitées en cela par leurs voisines) mènent un combat désespéré et démagogique, dans une fuite en avant, sans aucune issue.

Les raisons en ont été données par Catherine Wihtol de de Wenden*. Les mouvements de migration, qui ont pourtant été une constante dans l’histoire de l’humanité, ont atteint un stade supérieur que rien, ni personne ne pourra jamais enrayer. Les flux migratoires sont aujourd’hui marqués par de tels facteurs structurels qu’ils sont devenus des tendances lourdes à l’échelle mondiale. Même s’ils ne représentent que 3% de la population mondiale, qui est de taille pour paralyser ces 187 millions de personnes en mouvement ?

Leur migration a pour origine bien des raisons : demandes d’asile, réfugiés climatiques, migration de travail, pour suivre des études, pour regrouper sa famille … mais aussi pour fuir les profondes inégalités sociales et de plus en plus la crise climatique. Elles n’ont qu’un objectif : tout faire pour gagner ces contrées où le fil technologique alimenté par le téléphone, les réseaux sociaux, la télévision montrent qu’on y vit mieux. La présence de nombreuses diasporas installées un peu partout garantit un accueil potentiellement bienveillant. L’urbanisation massive et constante crée un mouvement des campagnes vers les villes, puis des villes vers les pays étrangers mieux lotis. Nations elles-mêmes en déficit démographique croissant qui auront de plus en plus besoin de migrants jeunes pour rééquilibrer leur population vieillissante. Ni les politiques de développement, ni celles leur proposant le retour ne les arrêteront. Qu’on le veuille ou non, notre monde est entré en mobilité. Il est devenu interdépendant et cosmopolite.

Marie-Christine Vergiat* concluant la journée a résumé la répartition de l’opinion publique face à cette réalité incontournable en trois tiers. Le premier tiers est acquis aux principes d’accueil fraternel et inclusif des étrangers. Le second semble irrémédiablement plongé dans la nuit de la xénophobie. Reste à convaincre le troisième tiers !

Un collectif citoyen à l’honneur

Une autre politique est possible

Pour y parvenir, l’Europe nous a offert un argument des plus convaincant, en réussissant à gérer 4,8 millions de réfugiés d’Ukrainiens (sur les 8 qui ont quitté leur pays), sans que cela ne pose de problèmes particuliers. La directive européenne de protection temporaire (datant de 2013) a été rapidement activée, donnant accès à ces populations aux soins, au logement, à un pécule et à une activité salariée. Quel contraste avec l’arrivée des réfugiés syriens fuyant là aussi une guerre. Là où la Turquie en accueillit 3,8 millions, la France en reçut 38 000 : dix fois moins ! Une différence de traitement qui ne peut être marquée qu’au coin d’une discrimination systémique, d’un racisme et d’une xénophobie d’État.

C’est bien cette politique discriminatoire que Damien Carême* combat au parlement européen. Là comme dans le reste de l’Europe, les forces de l’hospitalité s’affrontent à celles de l’hostilité. Là comme ailleurs, les responsables ne lisent jamais les études scientifiques et quand ils le font c’est pour ne pas tenir compte. Là comme ailleurs, la seule préoccupation qui compte c’est de rassurer, de flatter, et de satisfaire l’opinion publique par des mesures sécuritaires.

La solidarité à l’échelle européenne est une illusion. Le règlement de Dublin continue à sévir : c’est le pays du premier accueil qui doit conduire la procédure de demande de séjour, condamnant les nations du sud (Espagne, Italie, Grèce) à accueillir les dizaines de milliers de demandeurs qui s’entassent dans les camps. Le « Pacte asile et migration » fait la navette entre le Conseil, la Commission et le parlement depuis l’automne 2020. Le combat parlementaire des forces progressistes consiste à éviter le plus possible la régression de la règlementation européenne, en tentant de faire adopter des avancées jusque-là recalées (interdiction de tout enfermement en centre de rétention, répartition systématique des nouveaux arrivants entre les pays membres, choix laissé au nouvel arrivant de choisir le pays où présenter sa demande d’accueil…).

Gaspard Norrito (CBAS) animant la table ronde avec Damien Carême (Député européen) et Louis Imbert (universitaire)

Le combat politique hexagonal est tout autant l’otage des rodomontades de forces d’extrême droite, de droite et du centre, vent debout pour durcir le projet de loi Darmanin lourd de menaces encore plus répressives. Son projet le plus bienveillant n’est qu’un leurre. La carte

« métier en tension » qu’il propose pouvant être certes accordée mais aussi vite retirée en fonction de l’état du marché du travail, il transforme l’immigration en un dispositif encore plus

jetable que jusqu’à présent. A l’inverse d’une Allemagne accueillant un million de réfugiés, en 2015, et les intégrant rapidement grâce à un triple programme d’accès au logement, à l’emploi et à la langue.

Rien n’étant perdu d’avance dans notre pays, la bataille à mener n’en sera pas moins rude.

Pour la gagner, il faudra relancer la bataille culturelle et réussir à l’emporter. En imposant un autre imaginaire que celui qui circule aujourd’hui. Louis Imbert* insiste sur le nécessaire assainissement sémantique : bannir les métaphores liquides (déferlante), belliqueuse (invasion) ou biologique (corps étranger). Il n’y a ni problème, ni crise, ni virage … migratoires, pas plus que d’une ruée vers l’Europe. Il y a un phénomène historique qui doit être géré par l’hospitalité et la libre circulation des personnes. La plupart des pays du monde la garantit, en fournissant des passeports à leurs ressortissants et des visas aux étrangers permettant ainsi aux uns et aux autres de circuler librement. Seules les populations des nations les plus pauvres en sont interdites. Le droit à la mobilité constitue pour eux la prochaine liberté à conquérir.

Au-delà du vocabulaire à corriger, il ne faut pas oublier l’humain. Ce sont aussi les témoignages, les expériences vécues, l’interconnaissance des projets de vies, des rêves et des émotions individuelles qui permettent souvent de dépasser les stéréotypes et les préjugés.

L’ignorance alimente la haine et le rejet de l’autre. Un autre enjeu, à l’avenir, est bien de combler le décalage abyssal entre la réalité et les représentations les plus courantes. Opposé à toute idée de référendum (les résultats du vote populaire ne proposant pas plus de solutions que le politique), François Héran* lui préfère une convention citoyenne, seule à même d’établir un diagnostic objectif. Les deux premières à être réunies (sur le climat et la fin de vie) ont montré, par leur capacité à établir un dialogue ouvert, une écoute attentive de l’autre et une prise en compte des positions divergentes, la capacité à sortir de la polémique idéologique. Les 65% de français considérant que les immigrés ne font pas assez d’efforts pour s’intégrer, a-t-il rajouté, ont été moins nombreux quand leur rôle comme « premiers de cordée » a été mis en évidence au moment du COVID. Oui, le rôle bénéfique des étrangers est à valoriser. Toutes les études réalisées ont démontré que leur présence rapporte plus à notre pays qu’elle ne lui coûte. Ne serait-ce que par l’accueil de tous ces jeunes sans avoir eu à investir dans leur éducation. Mais attention à cette argumentation utilitariste qui doit venir compléter et non remplacer celle des droits et des principes de fraternité et d’hospitalité, rajoutera François Héran*.

Calais, Lesbos, Lampedusa, la traversée de la Lybie ou les centaines de milliers de noyés en méditerranée motiveront-ils un jour la convocation des gouvernements complices devant le tribunal pénal international, s’est interrogé Catherine Wihtol de de Wenden* ?

Les représentants des associations organisatrices :

CBAS, Ligue des droits de l’Homme, MRAP et CARITAS

A leur modeste échelle, les près de huit heures de déroulement des trois tables rondes de cette journée de Saint Brévin auront contribué à faire reculer tant l’intolérance que l’égoïsme et à renforcer la légitimité de la fraternité et de l’hospitalité.

Le combat continue. L’exemple du « collectif brévinois attentif et solidaire » soutenu par tant d’associations en a balisé le chemin.

Faisons notre la conclusion de Marie-Christine Vergiat* : « les seuls combats perdus sont ceux

qu’on ne mène pas, l’utopie d’aujourd’hui étant le monde de demain  »

Jacques Trémintin 24 septembre 2023

Se sont succédé à la tribune (par ordre alphabétique) :

— Marie-Elisabeth Allaire, membre du MRAP

— Damien Carême, député européen, co-président de l’ANVITA

— Philippe Croze, président du CBAS

— Sophie Dru juriste CIMADE, chargée des relations avec les parlementaires

— Augustin Grosdoy, Vice-Président honoraire du MRAP

— François Héran, sociologue, anthropologue, démographe (dernière publication :

« Immigration, le grand déni », Éd. Seuil, 2023)

— Louis Imber, enseignant en droit public (dernière publication : « Immigration : fabrique d’un discours de crise », Éd. Amorce, 2022

— Gaspard Norrito, adhérent au CBAS, ancien journaliste

— Dorothée Pacaud, Maire de Saint Brévin

— Vincent Rebérioux, membre du bureau national de la LDH et membre de la section de Saint Nazaire.

— Vanina Rochicciolli Co-présidente du GISTI, avocate droit des étrangers Barreau de Paris

— Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH, UCIJ 2023

— Catherine Wihtol de de Wenden Directrice de recherche au CNRS (dernière publication :

« Figures de l’Autre - Perceptions du migrant en France 1870-2022  » CNRS Editions, 2022)